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Comment prétendre évoquer Celia Caridad Cruz, la médiatrice, la grande prêtresse de la musique afro-cubaine, latino-américaine ? A mon avis il faut s’abreuver soi-même, communier aux sources de l’art de Celia cruz, entreprendre l’interrogation personnelle, individuelle de son oeuvre dans ses dimensions trans-culturelles, sociales, artistiques, humaines profondément vitales ; tel un parcours initiatique.
Le cheminement de Celia Cruz est largement diffusé. Sa naissance à la Havane le 21 Octobre 1924, jusqu’à son départ le 16 Juillet 2003 aux états-unis. 16 juillet, deux fois 7 dirait le numérologue pour qui ce chiffre symbolise le sacré. Sacrée, Celia Cruz l’était. Celle que l’on appelait « Café con leche » et qui montait sur scène avec le cri de ralliement « azuchar », était le cœur et la voix de l’orchestre la Sonora Matancera. Exilée aux Etats-Unis en 1960 à la grande déception de Fidel Castro, elle ne devrait plus remettre le pied sur sa terre natale. Elle a participé au fameux groupe Fania all stars, produit aux côtés de célébrités telles que Tito Puente, Ray barreto, Johnny pacheco. Avec ce dernier elle enregistra l’album Celia et Johnny, disque d’or qui porta le duo au sommet des hits parades et fit le bonheur des amateurs de salsa au milieu des années 70. L’artiste Béninoise Angélique Kidjo qui lui voue manifestement une grande dévotion, a la conscience de la force de l’œuvre de Celia Cruz, comme en témoigne sa contribution à relayer ses productions auprès des jeunes générations par ses interprétations maîtrisées et passionnées.
Il faut aller à Celia Cruz, l’écouter, la voir dans son jeu scénique, qui aux meilleurs moments de sa vigueur physique, vigueur, qu’elle a conservé à un âge fort avancé participe de la transe des cérémonies initiatiques du vaudou, du déchaînement dans les parties de candomblé. Son œuvre dévoile l’énergie de peuples issus de multiplicités qui malgré l’incommensurable douleur de l’esclavage ont sauvegardé et transfiguré les rythmes de terres lointaines comme une dernière étincelle contre l’extinction, l’anéantissement voulu par le sadisme nourri de complicités diverses. C’est cette étincelle inextinguible que les artistes de la dimension de Cruz ont éclôt en une flamme de dimension universelle diffusée dans tous
les foyers, transportée tel un flambeau sur toutes les grandes scènes de la planète. C’est sur une de ces scènes que l’heureuse circonstance d’un festival de musique m’a donné la première, l’unique, l’ultime occasion, de voir Celia Cruz en chair, l’espace de 5 à 6 minutes en fin de sa dernière prestation. C’était à Nyon en Suisse au début des années 80 dans la lumière d’un soir d’été. Il y eut un bref instant où la symbiose que constituait sa voix aux puissants timbres riches de ses métissages, son jeu corporel, les rythmes des instruments de l’orchestre accompagnateur atteignit un paroxysme esthétique, des minutes, peut-être seulement des secondes durant lesquelles la providence vous livre une expérience non ordinaire : La sensation immédiate, à la limite du tangible, la perception qu’il y a en l’être humain une dimension cachée, vitale, divine, indestructible, proéminente, éternelle qui éclate en une intense joie d’existence, une « alegria » véritablement. Vous réalisez l’expérience cognitive immédiate que si votre souffle devait s’arrêter en cet instant, aucune peine ne devait s’ensuivre car cela est n’est qu’un des pôles de l’énergie qui vous a branché l’espace de quelques instants à l’essence divine de l’humain. L’homme peut-il communiquer cette expérience avec autant d’intensité ? Ou cela n’est-il donné qu’à la femme seule, porteuse et génératrice de vie ? Je ne sais. Dans l’ère culturelle Adja-Ewé, Mahou, la divinité suprême source de toute vie, l’être que nul autre ne peut dépasser est d’essence féminine pense t-on. C’est une expérience qui vous ouvre à la liberté, en même temps qu’elle vous fait prendre conscience des énergies potentielles en vous, celles qui vous permettent de cabrer devant toute oppression, de mettre en mouvement vos forces créatrices les plus puissantes. N’est-ce pas à cette conscience que les vrais leaders doivent d’abord conduire leur peuple ? Avant le leitmotiv émergence économique, il y a d’abord la nécessité d’une renaissance ontologique, individuelle, culturelle, collective comme une réappropriation de déterminants essence-tiels. C’est ce que commande en tout cas la restructuration des rapports en cours dans le monde afin de ne pas choir de nouveau comme vil ustensile aux mains des autres, afin de se poser en acteurs structurants du nouvel échiquier qui doit se mettre en place.
La réminiscence de ces secondes à Nyon me visite bien souvent. Et immanquablement cela me ramène à Porto-Novo à la fin des années 70. Nous avions 20 ans, nos baccalauréats en poche. La tête libre des soucis d’examen, en attente d’être enrôlés pour le service militaire et patriotique en qualité d’enseignants dans les collèges. Nous étions trois copains, peut-être quatre. Nous revenions vers nos logis ivres de joies et de fatigues dans les lueurs de l’aube d’un dimanche. Le muezzin venait de lancer le premier appel aux fidèles. La veille nous avait vus cavaler la nuit entière aux bras des jeunes filles en fleur, aux sons de la Salsa qui était à son ère de gloire. Entre douces limonades et mets spéciaux sénégalais et béninois concoctés par nos mères Lawani, nous avions dansé CUCALA, CANTO A LA HABANA, QUIMBARA et bien d’autres célébrités de Celia Cruz. L’un d’entre nous Pierre, eut ces mots : « Le couple musique, femme est une composante essentielle de la vie ». Voilà une expression spontanée de bonheur telle qu’on peut la ressentir à 20 ans. Celia symbolisait ce duo : Musique et femme. La femme faite musique. La musique faite femme. La voix de Celia Cruz a le pouvoir de nous brancher immédiatement sur la joie d’être. Riches de ses influences multiples elle vous déroule les accents Yorouba, Nago, en évoquant les divinités dans la série « Tributos a los orishas », vous promène aux sons des balades classiques afro-cubaines comme Gantanamera, Yerbero, El carretero, Toro Mata, El que Siembra su Maiz et bien d’autres…
Puisse notre monde déchiré par toutes sortes de conflits, dominé par l’agressivité, entendre l’hymne à la vie que chanta durant toute son existence Celia Cruz, celle qui proclamait la musique comme toute sa vie ? Puisse notre monde faire le choix de l’Alegria comme principe philosophique afin que des scories et des douleurs de l’histoire émerge une humanité réconciliée avec elle-même, solidaire dans sa multiplicité, qui fasse de la vie ce carnaval tel que le voulait et le chantait Celia Cruz. Œuvrons véritablement pour que l’Afrique, berceau de l’humanité émerge à l’avant-garde de sa régénérescence.
G. Theophile Nouatin
DANSER AVEC CELIA CRUZ
En el bajio
https://youtu.be/WUTCYKLtrk8
Canto a la Habana
Canto A La Habana - YouTube
Quimbara
http://www.youtube.com/watch?v=8Y06BvtWjrg&mode=related&search
cuando Sali de Cub
https://youtu.be/usJVkRpLTvM
Angelique Kidjo
Quimbara (youtube.com)
possible. Merci :
Chango 1
https://youtu.be/ipkDrsDSrWs?si=dLl2isAYbUp7byYH
Chango 2
https://youtu.be/JrzQoGoLOYY?si=XDn8wPIguLgKBKVh