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Pour sa première exposition itinérante internationale, le Musée national de l’histoire et de la culture africaines-américaines (NMAAHC) de Washington inaugure l’exposition « In Slavery’s Wake : Making Black Freedom in the World » (Dans le sillage de l’esclavage : la construction de la liberté des Noirs dans le monde).
Fruit de dix années de collaboration avec des conservateurs du monde entier, l’exposition raconte l’histoire de l’esclavage et du colonialisme, mais aussi celle d’une liberté, âprement disputée et gagnée.
Elle se présentée sur quatre continents, dans les villes dont les musées ont travaillé le plus étroitement avec le NMAAHC : Rio de Janeiro (Brésil), Le Cap (Afrique du Sud), Dakar (Sénégal), Liverpool (Royaume-Uni) et Turvuren (Belgique).
Les artefacts historiques qu’elle propose ont été choisis pour faire naître des conversations sur des idées aux ramifications multiples, telles que la « la construction de la liberté », un concept qui recouvre les choix faits par les personnes réduites en esclavage et leurs descendants, qu’il s’agisse de se rebeller, de construire des cadres de vie et d’autres activités encore.
Une histoire de résilience
Parmi les objets exposés figurent des chaînes et d’autres dispositifs de contrainte servant à dominer les personnes réduites en esclavage. Mais loin de se limiter à un récit de violence et d’exploitation, elle raconte aussi une histoire de résistance, de résilience et de liberté, explique Paul Gardullo, historien et conservateur en chef.
Ainsi, l’exposition présente également des instruments de musique, des créations artistiques et des textes politiques qui témoignent de l’individualité et de l’humanité des Noirs réduits en esclavage et des Noirs libérés
Les 190 objets, 250 images et 10 films/médias interactifs comprennent des pièces provenant des six musées participants ainsi que des œuvres d’art nouvellement commandées. Le NMAAHC et l’université Brown, coorganisatrice de l’exposition, ont travaillé avec des partenaires et de simples citoyens afin de donner une voix moderne à l’histoire de l’esclavage et du colonialisme, à travers 150 récits oraux recueillis. L’assemblage d’artefacts provenant du monde entier envoie un message fort sur la nécessité de faire face à ce passé, insiste M. Gardullo. « Nous allons cultiver un espace dédié à des conversations en rapport avec ces sujets …. un regard important sur l’histoire et les legs des systèmes d’esclavage racial et de colonialisme qui remontent aux années 1400. »
Nyugen E. Smith s’est vu confier la tâche de réimaginer huit drapeaux liés aux mouvements anti-esclavagistes dans différents sites du monde atlantique. (Les drapeaux de l’époque ont disparu au fil du temps.) Et Daniel Minter, celle de créer une installation — une « narration », pour reprendre son terme — qui s’étend sur deux salles.
Son installation, en forme de S, qui trône au centre de l’exposition offre aux visiteurs un espace de réflexion sur ce qu’ils ont vu. Formée d’un mur de bois recouvert de tissu, elle comprend des collages d’images, des sculptures en bois et des objets provenant des quatre coins du monde, tels qu’une marmite du Sénégal et une pagaie en bois sculpté du Suriname. L’artiste a incorporé des sons — des fredonnements, des chants et des commentaires poétiques sur le partage et l’abondance. Les mains sont une image récurrente : elles tissent, elles tiennent quelqu’un, elles font un geste. « J’utilise les mains comme une métaphore », explique Daniel Minter, pour évoquer la connexion à la terre et « pour ne pas perdre de vue qu’on est un être libre, qui interagit avec le monde ».
Une autre image montre des pieds dans l’eau (ce qui renvoie à l’océan traversé par les personnes capturées et réduites en esclavage à leur arrivée, comme le suggère le titre de l’exposition). « On est capable de créer nous-mêmes des vaguelettes, des vagues qui peuvent traverser l’océan. »
Sa collaboration avec des chercheurs, des historiens et des archéologues a été une source de joie pour Daniel Minter. « Ils donnent de la profondeur à mon travail, et j’apprends à leur contact », se félicite-t-il. En même temps, il est en mesure de contribuer à leur travail « en apportant une interprétation qui donne de la cohésion à certaines des informations qu’ils partagent ».
« C’est la raison d’être de tout travail : transmettre des histoires, transmettre des expériences », insiste Daniel Minter.
Encourager la participation
Comme dans toutes les galeries du musée, l’exposition comporte un élément interactif qui donne aux visiteurs l’occasion de livrer leurs réflexions sur diverses questions. Par exemple : « La liberté, qu’est-ce que cela signifie pour vous ? »
Du papier est mis à leur disposition pour qu’ils puissent coucher leurs idées, libres à eux ensuite de les afficher sur le mur ou de les déposer dans un conteneur qui voyagera avec l’exposition. Tous les propos recueillis seront ultérieurement catalogués. « Cela place les gens aux commandes, de pouvoir ajouter leur voix aux avis sur des questions qui, selon nous, méritent qu’on y réfléchisse », souligne M. Gardullo.
L’exposition, qui est gratuite, restera à Washington du 13 décembre jusqu’au 8 juin 2025. Son conservateur en chef forme avant tout le vœu qu’elle suscite une « conversation sur ce que nous devons faire pour prendre soin du monde et de nous-mêmes ».
Les « actes de liberté » des personnes réduites en esclavage « sont une feuille de route pour nous, et j’espère que les gens verront cela, qu’ils en parleront et qu’ils le feront d’une manière axée sur le changement ».
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