380 visiteurs en ce moment
Ce dimanche 27 janvier, le président béninois a passé le flambeau de la présidence en exercice de l’Union Africaine au Premier ministre éthiopien, Hailemariam Desalegn. Au moment où il referme les rideaux sur 12 mois de présidence au cours desquels l’actualité en Afrique aura été marquée par de nombreuses crises et des défis incommensurables - crises au Mali, en République Centrafricaine, etc. -, il y a lieu de se pencher sur son bilan.
Disons-le tout de suite : au cours de ces douze mois de présidence, Yayi Boni se sera davantage illustré par la scrabeuse affaire - véridique ou imaginaire - de son empoisonnement, de nombreuses libertés avec les libertés publiques dans son pays (en témoignent les récentes condamnations pour "offense au chef de l’Etat"), la corruption à tous les étages de l’administration (en témoigne la récente arrestation de son ministre de l’Environnement, Ahanhanzo-Glélé) et un goût immodéré pour le culte de la personnalité, que par des actions décisives en faveur du progrès de l’Afrique.
La présidence de Yayi Boni aura eu le mérite d’exposer les nombreux manquements de son régime, qui justifient amplement les tensions récurrentes sur la scène politique béninoise, avec l’intolérance à toute critique et les nombreuses tentatives de révision d’une constitution qu’il a savamment malmenée, autant de travers que l’organisation panafricaine a ambitionné de pourfendre à travers la rengaine du Nepad, dont on nous a tant rebattu les oreilles, au début des années 2000.
Pourtant, ce dimanche 27 janvier 2013, à Addis-Abeba, c’est en donneur de leçons que s’est posé le "Chairman", devant ses pairs africains.
Rivalité avec Ouattara
Si Yayi Boni critique les rôles dévolus au président de la Commission de l’UA et au président en exercice de l’UA, ce qui nuit, selon lui, au bon fonctionnement de l’organisation panafricaine, c’est pour regretter, in fine, de ne pas avoir eu les coudées suffisamment franches pour occuper tout l’espace de pouvoir à la tête de l’UA, contraint qu’il a été de le partager avec la puissante présidente de la Commission, Dlamini Nkosazana-Zuma.
S’il a regretté, dans la crise malienne et de manière à peine voilée, une tendance à "mettre à l’écart les autres régions qui auraient pu au nom de la solidarité interrégionale, apporter leur soutien combien salutaire", c’est pour, de manière fort peu diplomatique, critiquer l’action de son homologue ivoirien, Alassane Ouattara, à la tête de la Cedeao.
Selon un diplomate ivoirien, dont le gouvernement a peu apprécié cette saillie, "ce type de critiques est généralement réservé aux conversations des salons feutrés des palais présidentiels, à l’abri des regards indiscrets, pas sur la place publique."
Yayi-le-diplomate s’est aussi pris les pieds dans le piège de la crise post-électorale au Ghana. On se souvient de son intervention à Accra, lors de la cérémonie d’investiture du nouveau président John Dramani Mahama.
Maladresses
Invité à s’exprimer au nom des chefs d’Etat présents, il avait loué, dans un climat politique extrêmement tendu, "la bonne gouvernance au Ghana" et "la transparence d’un scrutin largement salué par des milliers d’observateurs internationaux."
Cette sortie intervenait dans un contexte où le New Patriotic Party (l’opposition au président entrant) avait initié une action en justice contre le président Mahama et la Commission électorale, accusés de "connivence en vue de commettre des fraudes de nature à changer les résultats de la présidentielle" au Ghana…
Revenant sur cet épisode, l’ancien président ghanéen John Kufuor, avait appelé, le 10 janvier, à "ignorer Yayi Boni", expliquant que le président de l’Union Africaine était allé le voir pour appeler à la paix, ce à quoi John Kufuor aurait répondu qu’en ce qui le concernait, il n’entendait pas "approuver la fraude."
Pas étonnant que Yayi Boni se retrouve dans un tel rôle, ayant été lui-même sauvé, lors de la dernière présidentielle au Bénin, par une intervention musclée de son voisin de l’Est, Jonathan Goodluck, qui avait clairement fait savoir à l’opposition béninoise qu’il n’accepterait pas l’instabilité à ses portes.
Autre intervention à problème : la République centrafricaine.
Yayi était certes dans son rôle de sapeur-pompier, en se rendant fin décembre à Bangui.
Mais plusieurs chefs d’Etat de la sous-région lui ont discrètement reproché de n’avoir pas véritablement initié une médiation, dans la mesure où il s’était contenté de rencontrer son homologue François Bozizé, déclenchant du reste l’ire de la rébellion du Séléka.
En fin de compte, le bilan de Yayi à la tête de l’UA, outre qu’il contient beaucoup de discours de félicitations et de remerciements (notamment à François Hollande, pour l’intervention de la France au Mali), aura été l’occasion pour le chef de l’Etat béninois, de visiter beaucoup de pays et de rencontrer en tant que président en exercice de l’Union Africaine, des personnalités internationales de premier rang.
L’ironie de l’histoire, comme certains le redoutent au Bénin, serait que Yayi Boni n’utilise cet imposant carnet d’adresses pour mieux faire passer, au sein de l’opinion internationale, son projet de modification de la constitution, qui semble être son prochain grand chantier.
Remarque perfide d’un opposant béninois : "Dans nos pays, un passage à la tête de l’Union Africaine ne peut que produire un chef d’Etat mieux aguerri aux techniques de la mauvaise gouvernance. C’est un stage de perfectionnement en dictature. Mais nous sommes prêts, nous l’attendons."
Alain Malievre : Afrika 7
www.24haubenin.info ; L’information en temps réel
www.24haubenin.bj ; L'information en temps réel