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Le PDG de Meta, Mark Zuckerberg, a déclenché la polémique aux États-Unis, en admettant que Facebook avait subi des pressions de la part de l’administration de Joe Biden pendant la pandémie, pour supprimer du contenu jugé contraire à l’intérêt public. Zuckerberg agit-il par conviction, en tant qu’apôtre de la liberté d’expression, ou pour sauver sa peau face à des révélations peu commodes ?
Le 27 août, Mark Zuckerberg, PDG de Meta (Facebook, Instagram), a signé une lettre à l’adresse du Comité Judiciaire de la Chambre des Représentants américaine. Le contenu a suscité beaucoup de commentaires, dans le contexte d’un vif débat au États-Unis et ailleurs, portant sur les limites de la liberté d’expression sur les réseaux sociaux.
Dans son courrier, Zuckerberg a fait deux aveux de poids : il a reconnu, d’abord, que Facebook avait eu tort de minimiser la diffusion d’un article du New York Post, publié en octobre 2020, au sujet de documents compromettants trouvés sur l’ordinateur portable de Hunter Biden. L’article alléguait que son père, Joe, avait facilité l’entrée lucrative de Hunter auprès de la société gazière ukrainienne Burisma. Avant de le vérifier, Facebook avait déjà décidé de traiter cet article sensible (sorti à quelques semaines des élections présidentielles) comme étant infondé, en raison d’un appel du FBI disant que la Russie montait une opération de désinformation concernant Burisma et la famille Biden. Zuckerberg admet désormais que l’article n’était pas faux et que Facebook a mal agi.
Deuxièmement, Zuckerberg a confirmé que l’administration Biden avait exercé des pressions sur Facebook pendant la pandémie, pour supprimer des propos allant contre la politique sanitaire (confinements, obligations vaccinales, remises en cause du discours officiel sur les origines du Covid-19…). Zuckerberg regrette d’avoir cédé aux pressions du gouvernement : « Comme je l’ai dit à nos équipes à l’époque, j’ai la ferme conviction que nous ne devons pas compromettre nos normes de contenu sous la pression d’une administration, quelle qu’elle soit, et nous sommes prêts à réagir si une telle situation se reproduit. »
L’enquête sur la censure opérée par Meta et d’autres géants du Big Tech sous pression politique n’est pas nouvelle. Dès février 2023, sous la présidence du républicain Jim Jordan, le Comité Judiciaire de la Chambre a convoqué des représentants de diverses sociétés informatiques (Apple, Microsoft, Meta, Google), pour témoigner à ce sujet. En juillet 2023, Zuckerberg évitait de justesse des poursuites pour outrage au Congrès, après que le comité ait jugé que Meta avait « volontairement refusé » de collaborer avec l’enquête. Jordan venait de faire ressortir des publications internes de Meta, montrant que Facebook avait « fait face à une pression continue de la part de parties prenantes externes, y compris de la Maison Blanche », pour éliminer les publications encourageant le scepticisme à l’égard des vaccins contre le Covid.
Pourquoi, alors, Mark Zuckerberg a-t-il attendu jusqu’en août 2024, pour admettre ce qui était clair depuis longtemps, non seulement devant le Comité présidé par Jim Jordan, mais aussi face à beaucoup de commentateurs indépendants ? Parmi les voix critiques les plus actives, on peut citer des scientifiques dissidents comme Jay Bhattacharya (Stanford), co-auteur de la « Great Barrington Declaration » contre les confinements, supprimé sur Facebook, ou le journaliste Michael Shellenberger, qui a apporté des preuves d’actions de censure analogues de la part de Twitter.
Certains ont vu derrière la lettre de Zuckerberg, et notamment dans sa déclaration promettant la neutralité dans la campagne présidentielle, la peur d’un retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Leur relation est houleuse depuis longtemps, surtout depuis que Trump a été banni de Facebook à la suite de l’assaut du 6 janvier 2021 contre le Capitole. Trump a d’ailleurs menacé le PDG de Meta dans son nouveau livre Save America, disant que « Zuckerbucks » avait comploté contre lui et qu’il encourait « la prison à vie », en cas d’ingérence électorale en 2024.
Si d’aucuns voient les aveux de Zuckerberg comme une tentative de sauver sa peau, cela ne devrait pas masquer le contexte plus général de débats autour de la liberté d’expression – sacralisée par le premier amendement de la Constitution américaine. On note en particulier l’impact de la désillusion publique de plusieurs anciens Démocrates, dont Robert F Kennedy Jr., outrés par la censure d’informations pourtant correctes pratiquée par leur parti pendant la pandémie. Il est intéressant de constater que même le Washington Post vient de soutenir Elon Musk contre la décision des autorités brésiliennes de suspendre X. Il est donc possible que Zuckerberg ait agi par anticipation, sentant le vent tourner.
La Maison Blanche a répondu à la lettre de Zuckerberg, en expliquant que les contenus retirés des réseaux sociaux, l’avaient été dans l’intérêt de la santé publique. On a donc l’impression d’assister à un conflit, entre ceux qui pensent que le grand danger pour la société vient des propagateurs de fausses informations sur internet, et ceux qui voient l’indépendance des réseaux sociaux comme un moyen essentiel de défendre les libertés individuelles. Zuckerberg semble avoir choisi le deuxième camp, après des années passées à faire partie du premier - certes avec des réticences documentées. On verra bien s’il s’agit d’un changement d’attitude sincère ou, comme disent ses détracteurs, d’un « regret feint, conséquent à des faits exposés par la force ».
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