Le Président Yayi Boni, en décidant unilatéralement de rétrocéder les défalcations sur salaires des mois de janvier et février 2014 aux travailleurs, a infligé un camouflet à son ministre d’Etat, François Abiola, et autres membres du cadre de concertation en discussion avec les responsables syndicaux. Ce faisant, il humilie ses collaborateurs et les traite d’incapables à résoudre la tension sociale.
« La décision prise par le ministre Moudjaïdou Soumanou et ses collègues n’engagent pas le gouvernement…. », a déclaré, en 2007 au lendemain des déclarations de l’ancien ministre du Commerce, Moudjaïdou Soumanou, interdisant le commerce informel de l’essence frelatée sur toute l’étendue du territoire national. Il envoie ses ministres au devant de la scène, après il les livre à la vindicte populaire. Des années après, cette politique du Chef de l’Etat n’a pas évolué. Cela s’illustre bien dans la crise sociopolitique actuelle qui oppose le gouvernement aux syndicats. Et pour cause ! Des mouvements de grève perlée ont été lancés dans l’administration publique béninoise suite à la répression de la marche des travailleurs, le 27 décembre 2013. Pour trouver un terrain d’entente avec les protagonistes de la crise, une forte délégation ministérielle conduite par le ministre d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur, François Abiola et une panoplie de chefs d’institution de la République ont été mobilisés.
Le Président du Conseil économique et social, Nicolas Adagbé, le Médiateur de la République, Joseph Gnonlonfoun, et le Haut commissaire à la gouvernance concertée, Moïse Mensah étaient tout le temps aux côtés des ministres pour négocier avec les travailleurs. Depuis janvier jusqu’à la date du 28 février 2014, aucune solution n’a été trouvée à la crise. L’échec des ministres et chefs d’institution de la République était visible à l’œil nu.
Autrement dit, après cinq séances de concertation entre les deux parties, le bout du tunnel n’est pas trouvé. Certains observateurs de la vie politique nationale ont affirmé que les rencontres gouvernement-syndicats n’aboutiraient à rien, car au moment opportun, tout va se résumer à la volonté du Président Yayi Boni. Dans la soirée de ce vendredi 28 février 2014, ils ont eu raison. Le Chef de l’Etat, mettant en parenthèses le cadre de concertation présidé par son ministre d’Etat, François Abiola, a pris de manière unilatérale la décision de rétrocéder aux travailleurs les défalcations sur salaires, après avoir proféré des menaces à leur encontre.
Humiliation
Une question se pose : pourquoi le Chef de l’Etat a-t-il créé un cadre de concertation pour discuter avec les syndicalistes s’il savait qu’il avait la solution à la crise sociale ? Il a fait perdre le temps aux ministres, chefs d’institution de la Républiques et responsables syndicaux pendant deux mois environs à travers des séances de négociations creuses. C’est dire que les discussions à Infosec étaient du folklore, car le Président de la République savait qu’il allait ramener tout à lui. Populisme oblige.
Il a montré à la face du monde que toutes ces personnalités politiques n’ont pas la carrure de résoudre la crise sociale et qu’il est le seul maître à bord. Le choix du 28 février 2014, date du 24ème anniversaire de la clôture de la conférence nationale de février 1990, n’a pas été fait au hasard. Après moult négociations avec les travailleurs pendant des semaines, le ministre François Abiola et les autres membres du cadre de concertation ont été humiliés. Dans ces conditions, ces derniers peuvent-ils encore prendre la responsabilité de poursuivre les débats avec les travailleurs toujours en grève ? Difficile de répondre à cette question.
Le mieux est qu’à l’avenir, le Chef de l’Etat prenne le devant des choses au lieu d’envoyer ses ministres et les chefs d’institution de la République en pâture. A l’allure où vont les choses, les grèves ont encore de beaux jours devant elles.
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3 mars 2014 par Judicaël ZOHOUN